TOM BOUYER/Expédition 5300
ReportageRéservé à nos abonnés
A La Rinconada, la ville la plus haute du monde, a émergé, il y a une vingtaine d’années, un immense bidonville qui a crû à la vitesse de l’augmentation du cours de l’or. C’est dans cette cité minière qu’une étude scientifique, l’Expédition 5 300, a débuté. Son but : comprendre les effets du manque d’oxygène sur la santé et étudier les adaptations physiologiques des habitants à des conditions de vie extrêmes.
Nous venons de trouver, ici, à La Rinconada, ville la plus haute du monde à 5 300 mètres d’altitude, 85 % de taux d’hématocrite dans le sang d’un travailleur de la mine, c’est hallucinant ! En France n’importe qui avec un tel taux serait déjà mort d’une crise cardiaque ou d’une hémorragie cérébrale », s’exclame Samuel Vergès, chef de l’expédition scientifique 5 300, installée pour deux semaines dans cette ville de chercheurs d’or, située dans la cordillère des Andes péruviennes, non loin de la Bolivie. Le taux d’hématocrite, c’est le volume occupé par les globules rouges en pourcentage du volume sanguin total. Chez l’adulte, la valeur « normale » oscille autour de 40 %, le reste étant occupé par des globules blancs en très petite quantité et par le plasma. « Quand un cycliste professionnel dépasse les 50 % au moment d’une course, on l’empêche de partir car cela peut être dangereux pour sa santé, ou alors, c’est qu’il est dopé », poursuit Samuel Vergès, qui étudie depuis plus de dix ans les effets de l’hypoxie, le manque d’oxygène, sur l’organisme au sein du laboratoire HP2 « hypoxie et physiopathologies » (université Grenoble-Alpes, Inserm).
Alors comment ce mineur de La Rinconada fait-il pour vivre avec un tel taux ? C’est ce que les douze scientifiques de l’Expédition 5 300, soutenue également par de nombreux sponsors commerciaux, sont venus explorer sur place. La population assez homogène de La Rinconada, en majorité des Quechua et des Aymara vivant à haute altitude, leur permet d’étudier cette question sans qu’il y ait trop de biais. Dans la Maison bleue, prêtée par la coopérative minière de San Francisco, ils ont installé leurs 600 kg de matériel sophistiqué transporté depuis la France pour explorer sous toutes les coutures les effets du sévère manque d’oxygène – 50 % de moins qu’au niveau de la mer – qui sévit à 5 300 mètres.
La Rinconada défie les certitudes. Comme elle défie les règles de sécurité, de protection de l’environnement et de droit du travail
Jusqu’à présent, on pensait qu’il était impossible de vivre de manière permanente au-delà de 5 000 mètres avec si peu d’oxygène. La Rinconada défie cette certitude. Comme elle défie les règles de sécurité, de protection de l’environnement et de droit du travail. Ici règne l’économie informelle, avec de petites mines artisanales exploitées par 468 « socios », regroupées en trois coopératives qui revendent leur production, à travers des intermédiaires, à des groupes suisses : le nom de Metalor (racheté par le japonais Tanaka en 2016) circule, bien que l’industriel démente, par voie de communiqué, importer de l’or sale…
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